MY LOVELY CHILDHOOD, HOW I MISS YOU.
Le ciel se pavait de couleurs obscures alors que les aiguilles de la grande horloge avançaient et que les trois enfants de la famille Darling jouaient de nouveau à l’une de leurs aventures préférées. Esquivant le coup de l’épée de bois de Jean, Wendy attrapait le barreau du lit pour pivoter et tromper l’adversaire, tandis que Michel leur lançait des oreillers duveteux, faisant certainement office de boulets de canon. La chambre des enfants Darling était un joyeux désordre chaque soir, alors que l’aînée contait traditionnellement ses histoires auprès de ses frères, car chaque histoire devenait instantanément vivante. Leurs parents, Mrs et Mr Darling auraient dû être agacés par tant de cris, de bruit et de tumulte. Mais la plus à plaindre devait être Nana, la chienne qui ne les quittait jamais d’une semelle et dont le calme n’avait pas eu la moindre vertu apaisante sur les enfants, comme l’avaient espéré Mrs et Mr Darling. Le jeu ne cessa que lorsque Wendy s’avoua vaincue et que Michel toucha de plein fouet son frère avec un coussin. Et ce vendredi soir était un vendredi soir comme les autres. Du moins, il aurait dû l’être. Wendy venait de célébrer ses seize ans, et seize ans avaient une signification bien particulière dans l’esprit étriqué de son père. Seize ans, cela voulait dire devenir une femme et abandonner ce genre de divertissements puérils. Ce vendredi soir serait probablement l’un des derniers que Wendy passerait au sein de la chambre d’enfants avec ses frères, et un vaste sentiment de peur l’envahissait à l’idée de grandir. Et cette nuit-là, fut la première nuit où l’Ombre vint les observer depuis la fenêtre. Wendy, bien trop curieuse et naïve pour s’en sentir menacée, était fascinée par celle-ci et par sa proposition de partir dans un autre monde, un monde où l’on reste éternellement jeune et insouciant. Cependant, la jeune anglaise demeura chez elle, peut-être par sens de responsabilité envers ses cadets, ou simplement pour se laisser le temps de la réflexion.
Le lendemain, Wendy surprit plusieurs bruits suspects au sein de la maison, alors qu’elle brossait Nana et que la chienne s’éclipsa au premier son. S’armant de son courage (ou peut-être était-ce son inconscience) et du premier objet que ses mains trouvèrent sur son chemin, elle se préparait déjà à faire face à un voleur, mais sa découverte fut bien plus accablante. Ce n’était pas un voleur avide d’objets précieux qu’elle trouva, mais un garçon de son âge, simplement affamé et à la recherche de nourriture. Incapable de lui dire de s’en aller, la jeune fille s’attendrit de l’histoire de ce dénommé Baelfire qui se prétendait orphelin et arpentait les rues depuis plusieurs semaines. Elle ne put se résoudre si simplement à l’abandonner, et décida de le dissimuler au sein de sa chambre tandis qu’elle trouverait le moyen de lui rapporter régulièrement de quoi se nourrir, au dos du reste de la famille. Malgré ses bonnes intentions armées de ses plus grands efforts, la dissimulation était bien loin d’être optimale, et c’est ainsi que Mrs Darling fit la découverte du petit protégé qu’abritait secrètement sa fille sous son toit. Sensible à la détresse de Baelfire, elle décida sur le champ de l’intégrer à la famille, et dès ce moment, Wendy sentit qu’elle venait d’avoir un troisième frère avec qui elle partageait une complicité inédite. Cependant, Baelfire ne partageait pas la fascination de Wendy pour tout ce qui touchait (de près ou de loin) à la magie, et son expérience personnelle le poussa à mettre en garde la jeune anglaise de s’aventurer trop près de cette ombre dont elle lui avait parlé. Sa crainte était si grande qu’il lui fit promettre de ne pas la suivre. Une promesse faite mais non tenue, car malgré sa volonté et son sens de la fidélité, la tentation était trop forte, et le voyage fut à la fois fantastique, et terrifiant.
I AM THE STORM
Le Pays Imaginaire, seconde étoile à droite et tout droit jusqu'au matin promettait toute une expédition magique et irréelle au premier abord. Mais l'hôte de cet île était bien loin d'un être bienveillant prêt à vous faire découvrir toute l'étendue de ses pouvoirs. Pourtant Wendy espérait encore qu'il en soit ainsi... Car aussi insupportable, monstrueux et cruel que Peter se montrait à l'égard du monde entier, un magnétisme inexplicable l'attirait inévitablement vers lui. Et naïvement, Wendy se mettait à espérer que le comportement du jeune homme évolue à son égard, se différencie du reste de son groupe qu'il traitait avec méprise et cynisme... Mais ce ne fut pas le cas cette fois-ci, et il se montrait inexplicablement encore plus dur avec elle qu'avec le reste des Garçons Perdus. Ces derniers, cependant, virent en Wendy la seule figure féminine qu'ils aient connu et se la visualisait déjà comme une sorte de mère. Une mère... Voici ce qu'ils pleuraient silencieusement chaque soir, lorsque l'obscurité recouvrait plus intensément l'île et que la solitude faisait ressasser les souvenirs abîmés d'une vie délaissée. Wendy, à la fois horrifiée, intriguée par Peter, mais blessée de son comportement, retourna chez elle grâce à l'Ombre et constata que Baelfire l'avait attendu. Cependant, si Wendy fut autorisée à rentrer saine et sauve, ce n'était certainement pas par bonté de coeur de Pan. Il attendait en retour que l'Ombre puisse prendre ses deux frère la prochaine nuit. Et après avoir vu l'enfer qui courait près de ses enfants dans leur cage dorée, l'idée que Jean et Michel en viennent eux aussi à oublier le visage de leur mère, le souvenir de leur foyer... cette idée était insupportable. Et lorsque la prochaine nuit tomba, Baelfire se sacrifia pour empêcher aux frères Darling de connaître ce destin tragique. Terriblement affectée par la perte de Baelfire dont elle se sentait forcément coupable, Wendy le suivit au Pays Imaginaire lorsque l'Ombre revint un autre soir, dans l'espoir irraisonnable de le sauver. La suite fut bien moins réjouissante que l'idée d'une héroïne secourant son ami au terme de nombreuses aventures trépidantes. En réalité, dès son arrivée, Peter montra la volonté de la garder sous son contrôle. Wendy s'était toujours montrée docile avec lui, comme si tout son courage et tout son esprit rebelle disparaissait quand elle croisait ce regard lui offrant l'effet d'un courant électrique dans tout son corps. Pourtant, quelque chose était plus fort que l'envoûtement que Peter avait créé sur elle. Ses frères.
L'offre de Peter était de celles que l'on ne refuse pas. Soit elle acceptait de se soumettre à lui, soit ses frères, à présent sous le contrôle de Peter, seraient tués. Wendy n'imaginait pas une seule seconde que le même marché avait été proposé à Jean et Michel à son égard. Ils étaient piégés habilement, car Peter avait repéré leur faiblesse. Wendy persistait pourtant à croire qu'il avait fait là une erreur stratégique et s'était donné de la peine pour peu de choses, car s'il avait réalisé à quel point elle était attirée par lui, il aurait pu l'utiliser aisément. Peut-être n'avait-il pas envie de jouer ce jeu... Les premiers jours, Wendy était libre de ses gestes et mouvements, allers et venues au sein de l'île, à compter du moment où elle demeurait sous l'emprise de Peter. Mais ce dernier n'apprécia pas que ses Garçons Perdus se lient d'affection pour elle et décréta qu'elle devrait être enfermée. A compter de ce moment, la jeune fille éperdue d'une attirance aveugle pour lui, devint une jeune femme pleine de haine et de rancoeur à son égard.
L'éternité est inlassablement longue. Surtout lorsqu'elle est passée derrière des barreaux. Mais tout ce temps passé sur le Pays Imaginaire ne fut pas si ennuyeux. La jeune Darling recevait les visites régulières du même garçon chargé de la nourrir plusieurs fois par jours, même s'il ne lui parlait jamais. C'était là son unique lien social. Ou presque. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Peter était parfois venu, à de rares occasions. Pas pour la torturer davantage, mais pour se confier, comme si le fait de parler à une personne enfermée le rassurait. De toute évidence, Wendy ne pouvait pas s'échapper et n'utiliserait ses confessions d'aucune façon nuisible. Plusieurs fois, elle avait envisagé de trouver un moyen de le tuer lors de ses venues secrètes et irrégulières. Mais le manque de moyens la stoppa, et peut-être un certain reste de cette attirance qu'elle avait eu longtemps auparavant. Car même si le Pays Imaginaire vous empêche de grandir, la captivité vous offrait une certaine maturité après être passé par tous les moments face à vous mêmes, dans la solitude, la détresse, la lassitude.
Wendy sortit une fois de sa cage cependant. Lorsque Peter lui ouvrit ses barreaux et lui tendit la main, elle crut d'abord que son calvaire serait enfin terminé et qu'elle pourrait retourner auprès de sa famille absente depuis des années. Mais la naïveté de la jeune anglaise la piégea de nouveau, car Peter désirait juste se servir d'elle pour tromper un jeune garçon arrivé sur l'île depuis peu et qu'il prenait pour le plus pur des croyants. Au gré de ses confessions sur ses doutes, ses incertitudes, Peter n'avait eu de cesse de ressasser ce mythe qui affirmait que le seul moyen de rendre ses pouvoirs éternels était de se doter du coeur du plus pur des croyants. Et Wendy, une nouvelle fois, demeurait là, à servir les intérêts d'un être qui tenait le reste de sa famille d'un côté, et qu'elle ne parvenait jamais à haïr entièrement pourtant. Car ce devait être la seule à voir la faible lueur d'humanité qui se dissimulait derrière ce masque rigide et cynique. Du moins c'était ce dont elle se persuadait... Sa mission cette fois-ci était de faire croire au jeune garçon que l'île la rendait malade et que seul son sacrifice serait susceptible de la sauver, ainsi que de sauver la magie. Et en bonne comédienne, il tomba tête première dans ce piège. Si sa famille ne l'avait pas secouru à temps, Henry serait mort, Peter invincible et Wendy sûrement condamnée. Mais tout ne se déroula pas comme prévu.
I'M GIVING YOU ALL. YOU BREATH WHAT IS MINE, I BREATH WHAT IS YOURS
Wendy retrouva sa liberté après que Pan fut enfermé dans la boîte de Pandore, la seule assez puissante pour contenir un être tel que lui. Le petit groupe embarqua à bord de l'intrépide Jolly Roger et rejoignit un endroit appelé Storybrooke, supposé dépourvu de magie et aux allures bien étranges pour la jeune anglaise. Mais à son arrivée, elle fut infiniment soulagée de revoir le visage vieilli de ses frères, sains et saufs. Cela valait tous les sacrifices du monde. Baelfire aussi était devenu adulte... En fin de compte, Wendy était la seule à être restée bloquée dans cette belle jeunesse, injustement longue et elle se mit alors à réaliser qu'elle n'avait personne pour partager cette expérience avec elle. Le seul à être revenu du Pays Imaginaire bloqué dans un corps bien trop juvénile en comparaison à sa maturité dissimulée était à présent enfermé dans cette boîte. Et même si cette idée d'inversion des rôles avait quelque chose de jouissif, Peter n'en finissait jamais de l'intriguer. Peut-être le haïssait-elle plus que tout au monde, peut-être était-elle encore à la recherche de la réciprocité de tous ces sentiments confus qu'elle avait éprouvé la première fois, peut-être les éprouvait-elle encore... Au fond, le seul moyen de savoir serait de le revoir, et cette idée insensée devint son nouvel objectif, à-côté de celui de devenir écrivain pour conter l'ensemble de ses aventures, comme elle l'avait fait toute son enfance pour ses frères. Grandir, peut-être que cela ne serait finalement pas si affreux que cela en avait l'air lorsqu'elle avait encore seize ans...