J'aurai pu débuter cette histoire par « il était une fois », mais cette futilité continuelle s'accompagne souvent d'un « happy-end ». Et dans un récit où la fin n'offre pas cette charmante évidence, je ne peux m'élancer dans ce schéma classique. Pourtant, comme dans chaque conte, ici je vais débuter ainsi.
Il était une fois dans un royaume enchanté...
Mais l'histoire ne s'élance pas d'une époque sereine dans laquelle l'orage vient troubler l'ennui. Non. Il s'agit déjà d'une course, d'une course contre le vent. Elle s'appelle Emma. Emma... c'est joli, doux. Emma, ça a quelque chose de reposant, de fluide et d'éternel. Emma, c'est comme contempler la nature lentement qui s'éveille. C'est... l'immaculé. Que le temps prend plaisir à salir si vite.
Elle n'a que quelques battements de cils, dans les bras chauds de sa mère, lorsque l'on vient l'arracher à cette existence étonnante. C'est son père ; le Prince Charmant. Il faut partir, c'est ainsi. Il faut toujours partir. Elle ne retient que quelques râles étouffés, que quelques lames aiguisées dont le contact siffle au dessus de sa petite tête. Au loin sa mère ; Blanche-Neige hurle d'agonie et de désarroi. Il faut partir. Elle éprouve l'affolement de ce torse contre lequel on la serre. Puis, déposée dans cette armoire, elle disparaît...
« Elle nous retrouvera. »
C'est sa destinée. C'est Monsieur Gold qui l'a dit. Désormais vingt-huit d'errance les sépare. Vingt-huit ans, avant qu'elle vienne les sauver, enfin...
La lutte s'enchaîne et se déchaîne encore au dehors. Celle d'une vengeance dont le prix n'est plus à faire. Elle est là ; La Méchante Reine. Son amour sera vengé. Grâce à cette malédiction dont elle détient les rennes. Cette malédiction qui, enfermera chaque être dans un monde dénué de magie, de temps, et de souvenirs...
Tout ça pour une erreur. Une malheureuse erreur... Pauvre petite Snow, perdue entre son père, cette belle-mère encore inconnue. Cette femme au regard sombre, dont le cœur est pourtant déjà prit. Cette femme, maniée avec ferveur par sa propre mère, que l'aveu détruira...
...
J'aurai pu vous dire ces banalités. Vous savez ; « Bonjour, je m'appelle E. J'ai vingt-huit ans. Je suis née à... » Mais il n'en sera rien. Il n'en sera rien, parce que j'ignore une bonne partie de mon enfance. Je peux simplement vous dire que l'on m'a trimbalé de famille d'accueil en famille d'accueil, que j'ai cherché mainte et mainte fois mes parents biologiques. Alors je connais bien, les visages qui défilent un par un, l'espoir qui s'amoindrit lentement au fil des années. Finalement, rien est insurmontable. La vie continue, un point c'est tout.
Et puis j'ai rencontré Neal. J'étais jeune. Jeune et stupide, peut-être ? Mais qu'importe. Nous avions des projets. Vous savez, le genre de projet que l'on se promet, le genre de projet pour lequel on vit. Mais l'amour c'est comme tout. Il ne devient plus qu'un souvenir palpable, puis qu'une brume indistincte. Fauché l'un comme l'autre, nous étions de la petite frappe qui vole pour se nourrir, qui vole pour survivre à cette vie bien trop chère. Tout se passait bien, malgré cela. Puis, un jour ça a mal tourné. Recherché par la police, presque traqué, Neal nous a entraîné dans les bas-fonds de la paranoïa, de la fuite. Mais, nous étions malins. Je devais rapporter toutes les montres qu'il avait dérobé, puis fuir avec lui loin de tout ça. On aurait changé d'identité, on aurait recommencé une nouvelle vie. On aurait...
Finalement, c'est enfermée derrière les barreaux que j'ai poursuivis mon existence. Neal avait disparus de la circulation, me laissant seule à assumer ses erreurs. Mais il ignorait, tout comme moi, qu'un petit être me poussait sous le nombril. Petit être que j'ai abandonné, tout comme je l'ai été...
Les années se sont écoulées. Je suis finalement sortie de prison, et j'ai réappris à vivre. Honnêtement, cette fois-ci.Puis le jour de mes vingt-huit ans, comme une tornade, il a débarqué dans ma vie. Henry. Mon fils. Après ça, les événements se sont enchaînés sans que je ne puisse rien y faire.
Il y a eu Storybrooke, indiqué sur aucune carte. Puis tout ces habitants, pour le moins étranges à mon sens. Notamment Regina Mills ; maire de cette petite ville où elle semble régner comme sur un royaume. Au départ, je devais simplement ramener Henry chez lui. Et puis... je suis restée. Pourquoi ? Pour mon fils, sans doute. Pour... son histoire a dormir debout ? Puisqu'il m'affirmait haut et fort que cette vie n'était que le fruit d'une malédiction, que toutes ces personnes n'étaient autre que les personnages de contes. Moi aussi, j'en étais visiblement. Mais comment croire à de sottises pareilles ?... Finalement, je suis restée là, à tenter de comprendre le vrai du faux. Devenue Shérif de cette petite bourgade pour le moins étrange, j'ai essayé de percer le mystère qui semblait s'épaissir lentement. Étais-je, comme le disait Henry, la Sauveuse ?...
Il aura fallu qu'Henry frôle la mort. Qu'un choc ne se produise. Que la vérité s'étale enfin au grand jour.
La vie a continué son éternelle ronde. Et moi, je suis devenue le pilier de cette petite bourgade insensée. Les aventures se sont accumulées. Toutes plus improbables les unes que les autres. Mais j'étais
La Sauveuse.
Leur Sauveuse. Je ne compte plus les personnages de mon enfance qui, finalement, ont croisé mon chemin. Même Peter Pan a totalement modelé le dernier souvenir que je possédais de mon enfance.
Henry avait raison. Tout était vrai. Tout EST vrai. Chacun d'entre eux. Et moi, moi je ne suis plus simplement « Emma. » Je suis... l'enfant de Blanche-Neige et Charmant. Je suis... je ne sais pas. Dans tous les cas, tout reste encore à faire...